Crédit P. Morales
Crédit P. Morales

Les Kapsber'girls

Alice Duport-Percier : soprano

Axelle Verner :  mezzo-soprano

Garance Boizot : Viole de Gambe, Dessus de viole

Albane Imbs : Archiluth, guitare baroque, tiorbino et direction

 

Mercredi 5 août/Les Vigneaux, église Saint-Laurent/18h

 

Fruit d'un travail passionné principalement orienté sur l'exploration des répertoires pré-baroques et baroques, l'ensemble formé en 2015 réunit un noyau de quatre musiciennes et des artistes invités selon les projets. Les Kapsber'girls cherchent une nouvelle clé de lecture quant à l'interprétation des sources historiques. Puisant leur inspiration dans divers répertoires à caractère traditionnel, les quatre musiciennes jettent un regard transversal sur les œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles, trouvent de nouvelles passerelles et s'amusent avec les genres. Énergie et vitalité empruntées aux musiques « populaires », colorations tirant dans les tons de musiques actuelles et envie fébrile de chercher le neuf dans l'ancien sont à l'ordre du jour.

 

Leur nom ? C’est un clin d’œil à l’un des plus fameux compositeurs italiens du début du XVIIe siècle : Hieronymus Kapsberger (1580-1651). Elles mettent ce dernier à l’honneur dans leur premier disque Che fai tù ? (Mars 2020, Muso) qui a obtenu plusieurs récompenses : Diapason d’Or, ffff Télérama, Joker Découverte Crescendo Magazine (BE). Leur deuxième disque dédié aux Brunettes françaises du XVIIIe siècle sorti en 2021 sur le label Alpha Classics a reçu de nombreuses critiques enthousiastes de la presse (5 étoiles Classica, 5 Diapasons, Gramophone, Le Figaro,...) et du public !

 

Les Kapsber'girls bénéficient régulièrement de résidences de recherche-création pour poursuivre leur travail artistique. Ainsi, depuis la création de l'ensemble, elles ont été reçues à l'Académie Bach (Arques la Bataille), à la Cité de la Voix (Vézelay), à Sinfonia en Périgord, au CCR d'Ambronay, au CRR Ferme de Villefavard et au CCR de l'Abbaye aux Dames (Saintes) . 

 

Leurs concerts sont régulièrement récompensés par la critique (Opéra Critique, Resmusica, Clasicagenda, etc.). Depuis leur création, on a pu les entendre dans plusieurs salles et festivals européens renommés : London Festival of Baroque Music (Angl.), Brighton’s Festival (Angl.), Festival Académie Bach, Toulouse les Orgues, Fora do Lugar (Portugal), Sinfonia en Périgord, Festival Quatuor du Luberon, Les Nuits de Septembre (Belgique), Mars en Baroque, Festival Radio France, Opera Lyon Underground...

 

Programme

 

Vous avez dit brunettes ?

(Concert sans entracte, 1h15, 4 musiciennes)

 

Ce sont des chansonnettes que l’on se fredonnait au creux de l’oreille, des poèmes chantés par un amant à sa bien-aimée ou des airs lancés entre amis après une bonne bouteille. 

Elles nous invitent à partager le quotidien et l’intimité de ces fillettes qui jouent près du bassin d’Apollon, de ces deux amoureux cachés entre les bosquets du Petit Trianon et de ces quatre amis qui, autour d’une partie de Lansquenet, se rient des fables de la cour. 

Car ces Brunettes, comme on les nomme, sont certes légères de caractère mais fortes d’authenticité. Et la France, à l’aube du XVIIIe siècle, abrite en son sein foule de discrets artistes dont le talent est au service d’une bourgeoisie et d’une noblesse friande d’airs qui les racontent, tout simplement. 

À une ou deux voix, avec luth ou avec viole, Les Kapsber’girls redonnent vie, plus de trois siècles après, à des œuvres choisies de Jacques Naudé, Guiseppe Saggione, Julie Pinel et des publications des éditeurs du Roi Soleil, Ballard & fils. 

 

Anon. - Colin disait à sa Bergère, Editions Christophe Ballard, 1711 

Anon. - Sur cette charmante rive, Ed. C. Ballard, 1711 

Anon. - Je ne veux plus aimer rien, Ed. C. Ballard, 1703 

 

Jacques Naudé (169..-1765) - Aimables Rossignols, 1731 

Anon.- J’avois cru qu’en vous aymant, Ed. C. Ballard, 1703

Nicolas G. Lendormy - La Desmé, Rondeau, ca. 1760 – Instrumental 

René Drouart de Bousset (1703-1760) – Dans ce beau Vallon, 1731

 

Jean de Sainte Colombe (ca.1640-1700) – Chaconne 

Anon.- Le beau berger Tircis, Ed. C. Ballard, 1703 

Michel Lambert (1610-1696) - Rochers, vous êtes sourds, 1666 

Jean Marie Le Clerc (1697-1764) - Amis, laissons l’amour, 1719 

 

⦁ Angelo Michele Bartolotti (…- 1682) – Sarabande

Francesco Corbetta (1615-1681) – Caprice de Chaconne – Autre Chaconne 

Julie Pinel (1710-1737) - Pourquoi le berger qui m’engage, 1737 

Robert de Vizée (ca. 1650 – ap. 1732) – La Vilanelle (extraits) 

Anon. - Où estes-vous allés Ed. C. Ballard, 1704 

 

Elisabeth Jacquet de la guerre (1665-1729) - Les Rossignols, 1721 

Anon. - Non non, je n’irai plus au bois seulette, Ed. C. Ballard, 1704 

Jacques Naudé - En vérité sévère Margot, 1731 

Guiseppe Saggione (16..-1733) - Quand je veux boire avec ma maîtresse, ca. 1730 

 

Les Kapsber’girls bénéficient du soutien de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes, du CNM, de l’ADAMI et de la SPEDIDAM. 

Les Kapsber’girls sont soutenues par la Fondation Orange. 

L'ensemble est membre adhérent de la FEVIS

 

 

La presse en parle...

 

Norbert von Kanarajan, Le Canard Enchaîné, Août 2024

Les Kapsber'girls, baroque'n'roll ! (Chansons à voir)

Les Kapsber'girls transforment cette musique d'apparence mineure en véritables petits bijoux. Leur recette ? Des voix expressives et proches du texte, dont les ornements sont à se pâmer (les sopranos Alice Duport-Percier et Gabrielle Varbetian), et des parties instrumentales diablement colorées et vivantes (Albane Imbs au luth et à la guitare, Garance Boizot à la viole de gambe). Ensemble, elles créent des ambiances théâtrales et s'offrent de joyeuses libertés. Les voix prennent des airs canailles, se faisant même nasales ou simplement parlées, et les insturments n'hésitent pas à sortir de leur carcan : les riffs de guitare baroque et les bourdons de viole de gambe auraient de quoi rendre jaloux bien des groupes de funk.

 

Cécile Glaenzer, resmusica.com, Août 2024

Les Kapsber'girls font briller les compositrices italiennes du seicento (...) L'accompagnement des cordes pincées est un régal, et c'est souvent en pizzicati que Garance Boizot joue sa basse de viole. Albane Imbs passant du théorbe au tiorbino et à la guitare baroque. Le programme, parfaitement construit, bénéficie d'un art maîtrisé des enchaînements entre pièces instrumentales et vocales. Un bonheur!

 

Philippe Venturini, Classica *****, Février 2022

Ces quatre merveilleuses musiciennes excellent autant dans l’élégie que dans la verve populaire. On admire l’élocution et la justesse exemplaire des deux chanteuses, la délicatesse des deux instrumentistes, l’intelligence dramatique et la sensibilité musicale du quatuor.

 

Jean Christophe Pucek, Diapason, Novembre 2021

Inclinons-nous devant la netteté de l’élocution, la qualité de l’accompagnement comme des pastilles instrumentales.

 

Une preuve de la bonté de ces Airs, c’est que malgré leur ancienneté, on ne lasse pas de les apprendre et de les chanter encore tous les jours ; ceux même qui possèdent la Musique dans toute son étendue, se font un Plaisir d’y goûter ce caractère Tendre, Aisé, Naturel, qui flatte toujours, sans lasser jamais, et qui va beaucoup plus au Cœur qu’à l’esprit.

Christophe Ballard, préface de Brunettes ou petits airs tendres, tome 1, 1703.

 

« Ah ! Petite Brunette, Ah ! Tu me fais mourir ! »

 

C’est ce refrain chanté par Le Beau berger Tircis à sa chère Annette dans le tout premier air d’un recueil édité par Christophe Ballard (1641-1715) en 1703, qui inspira à l’éditeur du Roi, son nom à un genre très singulier de chansons strophiques particulièrement en vogue au début du XVIIIe siècle : les Brunettes. Face à l’enthousiasme que suscita cette première édition, deux autres s’en suivront en 1704 et 1711. Ces trois tomes – plus de 500 chansons ! – sont de véritables compilations d’airs, parus durant tout le XVIIe siècle mais dont les origines remontent parfois à la Renaissance, comme Où êtes-vous allées attribué par la Comtesse d’Aulnoy (1651-1705) au jeune François Ier.

En plus d’un véritable travail d’anthologiste, Ballard suppléé parfois des couplets, sélectionne ceux qui lui semblent les plus pertinents, rajoute, ici une voix supplémentaire, là une Basse Continue manquante, …Le prolifique éditeur et arrangeur finit de consacrer ces airs dont le succès n’était pas nouveau et renouvela leur engouement auprès d’une noblesse manifestement en mal de simplicité et d’authenticité.

 

L’utilisation du terme Brunette devint rapidement monnaie courante et de nombreux compositeurs s’essayèrent au genre, reprenant parfois textes ou poèmes déjà existants. Le répertoire, « sous-famille » des Air Sérieux qui détrônèrent l’Air de Cour au milieu du XVIIe siècle et en opposition aux Airs à Boire, se distingua en outre comme un matériel pédagogique de premier choix pour l’apprentissage du chant ou d’autres instruments mélodiques, de la même façon qu’on utilise les musiques actuelles comme outil d’apprentissage à notre époque. 

 

Ainsi, ces airs se firent véritablement partie intégrante du quotidien des aristocrates et de leur pratique musicale. Leurs formes archaïsantes, notamment par les sujets arcadiens qu’elles proposent, ne lassent pas de réjouir la haute société - malgré une vive remise en question par les Philosophes tels Voltaire, d’Alembert ou encore Diderot -, à tel point que certains d’entre eux ont même fini par s’inscrire dans le répertoire des chansons traditionnelles françaises et inspirent encore des artistes de notre temps, comme c’est le cas pour Où êtes-vous allées, reprise par Nana Mouskouri en 1978.

 

Les Brunettes nous entrainent dans un monde champêtre et bucolique où les Bergers et les Bergères, parfois mythologiques, parfois telluriens batifolent avec insouciance. Leur succès durable, dénote du goût des classes supérieures pour cet univers pastoral mythifié, dont L’Astrée (paru de 1607 à 1627), roman pastoral-fleuve d’Honoré D'Urfé à l’influence incontestable sur la littérature et la musique qui s’en suivit, fut certainement le précurseur. 

 

On y rencontre souvent Tircis, berger de la mythologie grecque notamment chez Virgile – référence prépondérante au sein de l’élite intellectuelle de l’époque –, qui représente le Berger charmant et valeureux dans la littérature pastorale baroque. Mais, ce dernier est volontiers fréquemment substitué par Colin, son pendant « populaire », parfois grivois ou simplet. L’un chante son amour pour de belles et sages Philis, Iris ou Cloris toutes également personnages, nymphes ou bergères mythologiques, l’autre, dont les mœurs s’avèrent parfois douteuses, se laisse séduire par des Nanette, des Lisette ou des Margot, sans chichi, parfois surnommées plus affectueusement « Margoton ». 

Cette utilisation intempestive de l’univers pastoral était déjà moquée par Molière, en 1670, dans une des premières scènes du Bourgeois Gentilhomme, ou le Maître à danser explique à Monsieur de Jourdain que : « Lorsqu’on a des Personnes à faire parler en Musique, il faut bien que, pour la vraisemblance, on donne dans la Bergerie. Le Chant a été de tout temps affecté aux Bergers ; et il n’est guère naturel en Dialogue, que des Princes, ou des Bourgeois, chantent leurs passions ».

Tout est dit dans cette tirade qui résume à elle seule l’esprit baroque français et qui s’illustre à travers deux types de Brunettes : celle remplie de personnages mythiques et de Bergers Arcadiens, l’autre qui met en scène des Bergers terrestres, des villageois bien réels et charnels. Ces dernières sont en réalité le prisme d’une dichotomie qui habite profondément la pensée collective d’alors.

Dans l’une, l’aristocratie peut pudiquement et sans danger incarner un personnage idéalisé, un autre soi sans pour autant s’y identifier, évoluant dans une bergerie fantasmée, qui lui permet d’exprimer commodément passions et sentiments.

Dans l’autre, transparaît la décadence d’une société à l’abri du besoin matériel mais empêtrée dans des codes sociaux où les émotions humaines sont constamment muselées et camouflées, et où le nanti, peut-être par lassitude de sa condition, s’essouffle de ses propres paradigmes et éprouve le besoin de s’imaginer, voire se travestir en Berger du peuple, villageois simple, à qui il attribue la liberté - secrètement enviée - de s’adonner sans retenue à ses affections.

 

Mais digression que ceci, revenons à nos moutons…

 

Avant les publications de Ballard, les Brunettes étaient présentées dans leurs formes simples. Ce fut l’éditeur, qui le premier, leur ajouta des doubles - complexification de la mélodie d’origine pour éviter la répétition - et réarrangea une multitude d’airs et, à sa suite, nombre de ses contemporains firent de même.

Sans prétendre égaler le talent de ces compositeurs et arrangeurs émérites qui ont proposé pour leur siècle une « mise à jour » de ces airs, en phase avec les goûts de la société d’alors, nous aussi avons cherché à nous approprier ce répertoire pour l’inscrire dans notre temps et notre réalité avec les mêmes procédés d’arrangements.

Car ces chansons séculaires, déjà anciennes à l’aube du XVIIIe siècle, recèlent en elles un caractère intemporel, dont les émotions qu’elles portent, parfois à demi-mot, parfois à pleine voix, nous arrivent droit au cœur encore aujourd’hui.

 

Albane Imbs