Franz Schubert
Quintette à feux violoncelles en ut majeur D 956
(Quatuor Voce et Marc Coppey, lundi 11 août, "Le Panoramic", Puy-Saint-Vincent, 18h)
· Allegro ma non troppo
· Adagio
· Scherzo et trio : andante sostenuto
· Finale : Allegretto
Schubert lui aussi a seulement deux mois à vivre, et, depuis trois ans déjà, il sait que sa fin est proche. Alors, comme le temps presse, il est pris d'une fièvre de composition qui s'est accélérée depuis la mort de Beethoven. En moins de deux ans, il écrit plus de cinquante ouvrages, dont une explosion de chefs- d'œuvre : le Voyage d'hiver, la Grande symphonie en ut majeur, les Heine-Lieder, les deux Trios avec piano, le Quintette à cordes, la Messe en si bémol, une douzaine d'lmpromptus, le Pâtre sur le rocher, la Fantaisie en fa mineur, sans compter les Trois dernières sonates pour piano et une foule de Lieder. De toutes ces merveilles, n'est-ce pas ce Quintette à cordes qui nous bouleverse le plus, s‘imposant comme l'une des plus grandes et émouvantes compositions de toute la musique de chambre ?
C'est peu après l'achèvement de la Symphonie en ut majeur (de même tonalité) qu'il entreprend ce quintette, pour lequel il remplace le deuxième alto (plus classique) par un second violoncelle. Cet enrichissement du registre grave va, non seulement accentuer considérablement le caractère pseudo-symphonique de l'ouvrage, mais surtout assombrir encore son climat. De sorte que les principaux qualificatifs qui s'imposent à nous à l'écoute, sont ceux de poignant, pathétique, bouleversant, angoissant. Cependant à plusieurs reprises, le caractère funèbre se trouve tempéré par quelque lumineux sourire, comme une porte maintenue ouverte, par un Schubert conscient de sa ruine physique et de sa fin proche, vers un destin presque aimable et comme auréolé. Ainsi selon les interprètes et leur conception de l'ouvrage, la prémonition tragique peut se trouver plus ou moins atténuée par l'accent du sourire.
Les quatre mouvements sont tous singulièrement agités.
Le premier mouvement, Allegro ma non troppo, débute par une longue tenue de l'accord d'ut, qui donne un tour interrogatif à ce premier motif aux graves insistants, que les violons relaient progressivement ; leurs aigus, d'abord délicats, se renforcent peu à peu en un long chant à la véhémence difficilement contenue. Un second thème s'épanouit en un chaud lyrisme, sans pouvoir masquer cependant une inquiétude proche du désenchantement. Enfin, un développement assez long, toujours fort agité, se termine par une bouleversante Coda.
Le deuxième mouvement, Adagio, touche au sublime. Il s'ouvre sur une phrase élégiaque, d'une miraculeuse inspiration. Le chant se maintient imperturbablement legato, qu'aucune respiration ne coupe jamais. Le rythme en est soutenu tout au long par la sourde ponctuation de graves pizzicati, à l'expression de plus en plus insistante, voire menaçante, jusqu'à évoquer parfois quelque glas dans le lointain. La merveilleuse mélodie tend peu à peu à nous plonger dans une angoissante méditation. Soudain, un intermède dramatique, empreint de la plus tragique véhémence : sommet de la révolte contre l'inéluctable. Une très curieuse transition, formée de neuf accords hésitants et inquiets, très lentement égrenés, coupés de longs silences interrogatifs, conduit heureusement vers un nouvel épisode chantant, véritable lied, qui est le premier rayon d'espoir. Enfin, presque sans transition, c'est la reprise de la première partie du mouvement, avec son chant legato, son rythme particulier et ses pizzicati.
Le troisième mouvement, Scherzo et trio, andante sustenuto, a un caractère énergique, fortement scandé, martelé, dont les harmonies grinçantes mêlées de sonores appels de chasse, transforment le paysage et nous font oublier si possible le drame en cours. Suit un développement tempétueux, agité, aux épisodes contrastés. Puis survient le Trio Andante sustenuto qui nous plonge dans une nouvelle méditation hors du temps, avant la reprise du Scherzo initial.
Le finale, Allegretto, débute par une sorte de Ländler enjoué, fort joliment mené. Puis la merveilleuse éclaircie du second thème offre son sourire calme et insouciant, que certains ont comparé ä un « envol de papillons ». Rêve de bonheur, ou souvenir lointain de quelque bref instant heureux ? Mais le sourire s'efface bien vite, et soudain, c'est la « strette finale » : véritable et rapide course à l'abîme, terminée par les deux rudes accords de l'ultime chute.
D’après la Société de Musique de Chambre de Marseille
L'adagio du quintette de Schubert par le Quatuor Parisii et Emmanuelle Bertrand...